Blablabla...

Publié le par WENS


Aujourd’hui, c’est samedi, c’est comme qui dirait la fin de la semaine. Vous pensez bien que comme n’importe quel travailleur consciencieux, j’ai déjà rangé mes crayons et ma gomme dans ma trousse, depuis vendredi matin.
En réalité, non. Ça ne s’arrête jamais vraiment, le mot travail n’a pas le même sens pour nous, les artistes,( ouais, j’ai décidé de revendiquer le mot artiste pour les auteurs de petits Miquets, on ne va quand même pas le laisser aux chanteurs de la star académie et aux acteurs de films pornos !). De toute façon, c’est un mot pour lequel on ne va pas se battre beaucoup, vu que pour la plupart des gens, c’est pratiquement une insulte.
Je peux vous garantir que sur un chantier, dans une classe, sur un terrain de sport, quand on te dit «Oh, l’artiste, viens un peu voir par ici !», c’est rarement pour te complimenter pour ton talent.
Artiste, ça veut dire feignant, branleur, rigolo, inefficace…
Artiste, ça cesse d’être péjoratif quand tu gagnes du pognon.
Pour les administrations, les formulaires, on a toujours pas trouvé la case adéquate, c’est parce que ça serait quand même mieux si on existait pas. Ça serait plus simple.
D’ailleurs, j’ai remarqué qu’on a du mal à se définir nous-mêmes. Dans la BD, les gens disent: «je suis auteur».
«Auteur», ça en jette.
 Auteur, c’est noble, ça fait penser à Shakespeare, à Victor Hugo, c’est parfait quand tu écris les aventures de «Tif Tif et Ratapoil».
Si tu es boucher, plombier zingueur ou enseignant, c’est simple, tu dis : «je suis boucher», ou: «je suis plombier zingueur», ou: «je suis en vacances».
Nous autres, on ne sait pas trop ce que l’on est. Parfois on s’amuse, et parfois, c’est terrible. Et qu’on fasse la «légende des siècles», ou les aventures d’un petit écureuil, quand on est devant la page blanche, il faut bien que de cet endroit où il n’y a rien, on fasse jaillir quelque chose.
Qu’on invente quelque chose de bien, quelque chose de médiocre ou une oeuvre émouvante et géniale, on a tous en commun la création d’un truc qui n’existait pas avant nous.
Alors: «artistes équilibristes entre le rien et le quelque chose», peut-être...
Après le processus de création, tu mets tes tripes sur la table, ton coeur, ta cervelle et tu demandes; «qu’est-ce que vous en pensez ?»
Quelle folie!
En réalité, on pourrait très bien vivre sans montrer la moindre chose, mais il faut qu’on soit jugé, estimé, sélectionné. C’est la seule façon d’obtenir un peu d’argent pour pouvoir exister dans les marges de la société.
On est assez nombreux, mine de rien. On est des genres de blattes qui laissent des petites traces dérisoires, qui poussent des petits cris parfois mélodieux, et qui déposent leurs déjections un peu partout. Quand les gens sont satisfaits de la prestation de l’un d’entre nous, ils l’appellent «génie» et lui élèvent des statues aux pieds desquelles viendront crever d’admiration les aspirantes blattes et le peuple diverti. 
C’est assez marrant à voir.
Il nous faudrait une formation de blatte. Comme elle n’existe pas, on se la fait tout seul à coup de portes claquées dans la gueule.
C’est tonique et ça fait circuler le sang, c’est la raison pour laquelle les artistes ont de si bonne mine.
Jeunes blattes au dessin malhabile, aux accords de guitare laborieux, à l’écriture «merci de votre envoi, on vous écrira» etc… Considérez-vous comme des blattes essentielles au bon fonctionnement de la société, et si vous n’atteignez jamais le socle de la statue, dites-vous que ceux qui sont dessus, sont devenus des gros cons de bourgeois repus qui feraient vomir d’horreur le jeune efflanqué qu’ils étaient à votre age.
Ça ne change rien à la situation, mais c’est toujours mieux que de n’avoir personne à détester.
Il n’y a rien de pire que le type qui devient riche, célèbre et puissant et qui reste sympathique humain et pas plus fier pour autant.

Publié dans blog.captain.arobase

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